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Appréciation de la minorité d’un mineur isolé étranger : quand le doute est levé…

Public - Droit public général
09/10/2018
Dans un arrêt rendu le 3 octobre 2018, la Cour de cassation précise les conditions d’appréciation par la cour d’appel des preuves permettant de déterminer l’âge approximatif du mineur isolé étranger.

Ne statue pas au vu des seules conclusions de l’expertise ni en méconnaissant le principe selon lequel le doute sur la majorité ou la minorité, après l’examen radiologique, profite à l’intéressé, la cour d’appel qui a, notamment, relevé que les divers documents d’identité figurant au dossier contenaient de nombreuses contradictions et que l’identité alléguée paraissait peu vraisemblable, que l’expertise était régulière et qui a constaté que l’expert désigné avait conclu qu’il était possible d’affirmer, au-delà de tout doute raisonnable, que la jeune femme avait plus de 18 ans au moment de l’examen. Telle est la décision rendue par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 octobre 2018.

Le 19 janvier 2017, le juge des enfants avait été saisi par une jeune femme se déclarant mineure, pour être née en 2000 à Kinshasa (République démocratique du Congo), et isolée sur le territoire français, afin d’être confiée à l’aide sociale à l’enfance.

Elle faisait grief à l’arrêt rendu par la cour d’appel de constater qu’elle n’était pas mineure et, en conséquence, d’ordonner la mainlevée de son placement à l’aide sociale à l’enfance et la clôture de la procédure d’assistance éducative.

La Cour de cassation rappelle qu’il résulte de l’article 388 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 (loi relative à la protection de l'enfant), que des examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, peuvent être réalisés sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé. Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur et que le doute lui profite.

Juste raisonnement de la cour d'appel

La Haute Cour note, ensuite, que la cour d’appel :
 en premier lieu, a relevé que les divers documents d’identité figurant au dossier contenaient, outre des erreurs, de nombreuses contradictions certains des actes produits correspondant à l’identité d’une jeune majeure, née en 1994 à Kinshasa et ayant sollicité un visa d’entrée en France en 2016 pour y poursuivre des études supérieures, les autres correspondant à l’identité d’une mineure, a ajouté que l’identité alléguée paraissait peu vraisemblable puisqu’il en résultait que la mère de l’intéressée serait née en 1949 et lui aurait donc donné naissance à l’âge de 52 ans et que de ces constatations et énonciations, elle a souverainement déduit que les documents produits n’étaient pas probants au sens de l’article 47 du Code civil et que l’âge allégué n’était pas vraisemblable ;

– en deuxième lieu, a retenu que l’expertise était régulière, dès lors que les conditions prévues à l’article 388 du Code civil avaient été respectées, que la jeune femme disposait des conseils de son avocat, que l’expert précisait qu’elle parlait et comprenait parfaitement le français et qu’il avait donc été possible de lui expliquer la mission et de recueillir son consentement, dans le respect des règles de déontologie qui régissent l’exercice de sa profession, la loi n’imposant pas que le consentement prenne une forme écrite ;

– en troisième lieu, a constaté que l’expert désigné avait conclu qu’il était possible d’affirmer, au-delà de tout doute raisonnable, que la jeune femme avait plus de 18 ans au moment de l’examen, en novembre 2017, et que l’âge allégué, de 17 ans, n’était pas compatible avec les conclusions médico-légales.

Dès lors, pour la cour, c’est sans statuer au vu des seules conclusions de l’expertise ni méconnaître le principe selon lequel le doute sur la majorité ou la minorité, après l’examen radiologique, profite à l’intéressé, que la cour d’appel a, par une décision motivée, constaté que la jeune femme n’était pas mineure. Elle rejette, par conséquent, le pourvoi.

Par Marie Le Guerroué

Source : Actualités du droit